Live report écrit pour le blog indiemusic en février 2014.Je ne vais pas crier de nouveau mon amour inconditionnel pour l’idole de ma jeunesse, car je l’ai déjà fait. indiemusic m’a sorti de mon hibernation pour vous raconter l’aboutissement d’une décennie d’attente, où j’ai brûlé des cierges en priant qu’un jour, le monsieur débarque au Chabada. Dans ma ville, dans mon fief. Rien qu’à l’écrire là, j’ai dû mal à réaliser qu’Adam Green était mardi dernier à Angers.
C’était dans le cadre des 9e Nuits de l’Alligator et il venait accompagné du blues de Miraculous Mule et de l’anglais William Adamson. Deux inconnus à mon bataillon et qui le resteront : pendant le set des premiers, j’étais occupé à trépigner comme un gamin le matin de Noël et le second ne s’est pas pointé (une gastro ?). Pour être tout à fait honnête, sachez aussi que c’est Radio Campus Angers qui m’envoyait là-bas, me permettant de dialoguer avec l’homme de ma vie (musicale) à l’heure de l’apéro (après m’avoir permis de lui consacrer une émission). Alors même si c’était loin d’être notre première rencontre, je savais que ce concert allait avoir une place particulière dans mon cœur et vous savez que je ne vais pas être très objectif dans ce qui suit.
Quand il tourne en France, c’est avec du Pastis qu’Adam prend son apéro. Quand j’ouvre la porte de sa loge, il est attablé avec son vieux camarade Toby Goodshank, membre des Moldy Peaches et songwriter à ses heures perdues. Ensemble, ils gribouillent avec des pastels une future pochette d’album. Comme la soirée est improbable et magique, je découvre dans un coin de la pièce Macaulay Culkin, le bambin de « Maman, j’ai raté l’avion », des yeux fatigués rivés sur son iPhone et une queue de cheval remplaçant son inoubliable coupe au bol. Ce n’est pas vraiment une surprise au final : le comédien réside à Brooklyn et, quand il n’est pas occupé à reprendre le Velvet Underground en mode Tortue Ninja, il participe aux projets de ses potes.
Il sera justement question durant l’interview de la nouvelle folie d’Adam : un film adaptant l’histoire d’ « Aladdin » sous fond de réflexions sur l’effet d’Internet dans notre conception de la réalité et avec une bonne dose de rêveries et d’abstractions. Ce sera réalisé par ses soins et contrairement à The Wrong Ferrari, son précédent effort filmé sur téléphone, Adam espère avoir de vraies caméras et louer un hangar pour fabriquer d’énormes décors en cartons-pâtes.
Pour ça, il a lancé un Kickstarter et encourage ceux qui l’aiment à soutenir son art. Ce qui peut ressembler à un caprice de star est plus proche d’une douce lubie d’enfant. Naïvement, je lui refile 20 dollars, car sa démarche est suffisamment sincère pour m’attendrir et qu’un nouvel album prévu au printemps est à la clé.
Mon âme de groupie m’empêchant d’exploiter normalement mon anglais d’habitude irréprochable, je continue de le questionner autour d’un verre de jaune. Sur son aventure avec Binki Shapiro : d’après lui, c’était un projet plus mature, mais où il a réalisé qu’il n’était pas forcément fait pour travailler avec quelqu’un d’autre. Sur la mort de Lou Reed : un homme très accessible selon lui, qu’il sera difficile de remplacer sur la scène new-yorkaise. Sur la peur de vieillir : avoir trente ans lui a foutu un coup au moral, mais il se dit que, plus il s’approche de la mort, plus il a des choses à raconter. Ce qui est toujours pratique pour un songwriter. L’interview se termine par une accolade et une discussion plus détendue autour de sa discographie (c’est toujours « Minor Love » dont il est le plus fier) et je sors de là sur un nuage.
Avec les copains, on enchaîne les verres dans un Club pas très rempli. Adam Green est culte à New York, une star en Allemagne (ne me demandez pas pourquoi) et un incontournable dans la capitale, mais en province, c’est toujours compliqué de mobiliser autour de lui. Il y a bien quelques passionnés, une poignée de connaisseurs et des adolescentes qui en chient toujours à apprendre « Anyone Else But You » sur leur ukulélé, mais y’a pas foule. Ce qui m’importe peu, car je suis une merde de snob qui est ravi de pouvoir profiter d’une ambiance encore plus intimiste et d’un artiste d’autant plus accessible et généreux.
Le Chabada est tellement mou qu’on le remarque à peine débarquer sur scène et tituber maladroitement sur le devant de la scène, arborant un somptueux costume à froufrous et une casquette de marin. C’est Toby qui tient la guitare et permet à Adam de pouvoir agrémenter son tour de chant de ses habituels pas de danse souvent imités (je fais comme je peux), jamais égalés (je peux pas faire mieux). Comme le veut la tradition, il ouvre sur « Bluebirds » et j’ai de nouveau 14 ans, juste un peu plus d’alcool dans le bide. Je me lasserais jamais de voir ce mec se dandiner et raconter les mêmes conneries en boucle. C’est mon septième rendez-vous avec lui et il me surprend toujours, car c’est prodigieux d’être aussi pur et attachant après toutes ces années (on approche de la quinzaine, c’est pas rien).
Chaque album est revisité et il s’attaque même au somptueux « Here I Am » en solo, et ça me fait de l’effet même sans la voix d’ange de Binki. Du projet Aladdin, il nous livre une exclusivité, un morceau où il se lamente de ne plus pouvoir chanter le blues dans un monde digital. Sympa, il laisse le micro à un Toby adorable le temps d’un morceau, où Adam part en fond de scène pour s’enfiler la moitié d’un pack de bières. Puis, il revient en rotant et en nous livrant le nouvel hymne des Pays-Bas, qu’il vient d’inventer lors de la tournée : « I Took A Leak In Amsterdam » (en français, « J’ai pissé à Amsterdam »). Il n’ira pas jusqu’à marquer son territoire à Angers, mais pour ceux qui sont sensibles à sa folle énergie, le Chabada est tout chaleureux et plein de sourires.
Bien sûr, si on maitrise pas la langue de Shakespeare, on peut trouver le temps long, mais ça, c’est pas mon problème. Je suis trop occupé à me tortiller au rythme de « Dance With Me » ou « Buddy Bradley » et à ne pas perdre une miette de ce moment magique.
C’est sans rougir qu’on peut appeler Adam Green un « songwriter » pur et dur, qui a un paquet de chansons dans son sac et nous les distribue avec malice et simplicité. On a même le droit de choisir et je gueule « Can You See Me », car c’est ma favorite. J’ai le droit à mon morceau et j’en ai les larmes aux yeux (quelle gamine) et mon voisin de gauche a le droit à « We’re Not Supposed To Be Lovers » et mon voisin de droite demande « Watching Old Movies ». Comme Adam ne se souvient plus des accords, il l’entonne a cappella et c’est une première, c’est miraculeux. Parmi les temps forts, on notera aussi le tube « Jessica » et la complainte « Breaking Locks », la toujours efficace « Emily » et des morceaux plus rares, dont deux vieilleries des Moldy Peaches, « Who’s Got The Crack » et « Steak for Chicken ». Une dernière pirouette et il disparait dans les bras de Macaulay, laissant derrière lui des canettes vides, des gens contents et moi béat.
On retrouve plus tard Adam au stand de merchandising à dédicacer sa discographie, à prendre tout le monde dans ses bras et à militer pour qu’on fasse une donation pour son projet Aladdin. Une dernière photo de groupie en sa compagnie, une dernière accolade et j’ai ma dose de sensations fortes. Il faut que je respire un bon coup et il faut que je vous laisse, car je pars le revoir à La Roche-sur-Yon demain soir. Quand on aime, on est un peu fou et Adam Green, je l’aime de tout mon cœur et fuck les rageux, c’était de la joie pure que ce tour de chant à l’ancienne. Le génie d’Aladdin n’aurait pas pu m’accorder de meilleur vœu.